Le nom de Graeme Allwright est plus que familier à tous ceux qui ont vécu les années soixante-dix. Pour les autres il suffit d’entonner « Emmène-moi» « Jolie Bouteille » ou « Petites Boites» pour qu’un sourire s’affiche et qu’ils  reprennent le refrain. Ses chansons appartiennent au patrimoine de la chanson française. Devenues des classiques, elles sont fredonnées par plusieurs générations. Il en est ainsi de certaines chansons vouées à se perpétuer dans le temps.

Chanteur auteur compositeur néo-zélandais Graeme Allwright  installé en France depuis 1950, a depuis la fin des années 60, marqué profondément la musique folk et la protest Song française par ses adaptations de Bob Dylan, Leonard Cohen, Woodie Guthrie ainsi que par ses compositions. Ses dix-huit albums se sont vendus à des centaines de milliers d’exemplaires en France et dans tous les pays francophones.  À 84 ans, et à son propre étonnement, il continue de remplir les salles de concert.

Son public français ignore bien souvent ses racines néo-zélandaises. On le croit Canadien, Hollandais, comme Dick Annegarn, ou bien on ne se pose pas la question. Il fait partie de notre culture. C’est notre Bob Dylan à nous.

« J’aurais jamais pensé devenir un chanteur français »

C’est au son des bogies et des sifflements des trains que Graeme Allwright a vu le jour et a entendu les premiers bruits du monde. C’était en 1926. Son père était chef de gare dans une lointaine vallée de la Nouvelle-Zélande. Graeme y passa sa jeunesse, chantant le dimanche avec la chorale paroissiale, jouant dans une troupe d’amateurs dont ses parents faisaient aussi partie (une troupe dirigée par Edith Campion, grande dame du théâtre en Nouvelle-Zélande et maman de Jane Campion).
C’est alors que le jeune Graeme convainc ses parents de partir au-delà des mers, loin de Wellington pour y devenir un véritable acteur. Avec une obstination peu commune, il se démène pour quitter cette lointaine et infime partie de la couronne britannique. Distingué par son talent, il obtient une bourse au temple du théâtre anglo-saxon : l’école de l’Old Vic à Londres, l’antichambre de la Royal Shakespeare Company.

« Je serais devenu un cabot », dit Graeme maintenant en riant.

Il achèvera ses études, mais dédaignera une offre de la Royal Shakespeare Company pour une histoire d’amour avec une jeune Française. Il se fera apiculteur, viticulteur, professeur d’anglais, infirmier dans un hôpital psychiatrique pour faire vivre sa famille.
Sa carrière de théâtre semble incertaine. Mais quand il chante pour ses amis, le succès est manifeste. Il décide donc de « monter » à Paris pour tenter sa chance en adaptant des standards du folk-song américain.

Il rejoint vite les nouveaux talents parisiens. Mouloudji produit son premier disque, il chante avec Barbara, Maxime Leforestier, puis signe avec Philips.

Nous sommes en 1966. Il connaît alors un extraordinaire succès.

Peu friand de clinquant médiatique, Graeme s’éclipse. Il entreprend de nombreux voyages, en quête de quoi ? Il ne le sait que confusément. Au faîte de la gloire, il coupe les ponts et s’installe en Inde, à Auroville une ville communauté mystique utopiste.

Quand il revient à Paris, c’est pour enregistrer un album, donner quelques concerts à l’Olympia, remplir quelques-unes de ses obligations vis-à-vis du système.

Puis d’autres voyages encore, aux USA, en Amérique du Sud, en Afrique, à Madagascar, à La Réunion où il s’installe pour un temps, rencontre des musiciens qui l’ouvrent à d’autres musiques. Graeme Allwright plonge dans le mélange des cultures musicales, des confrontations de styles que l’on retrouvera dans de nombreux albums. C’est le début d’une nouvelle quête qui se poursuit encore aujourd’hui, dans la discrétion.

C’est ce fil souple et délicat, fait de liberté et de fidélité que Graeme Allwright a tissé jusqu’à aujourd’hui, en un permanent lien musical et humain entre les continents, comme un Compagnon faisant non pas son tour de France mais un éternel Tour du Monde.

Il vit aujourd’hui à Paris mais demeure inconnu en Nouvelle-Zélande où il n’a jamais chanté, alors que ses « Petites Boîtes » sont devenues une comptine que l’on chante dans nos colos et nos écoles maternelles. Y revenir à l’occasion d’une série de concerts serait son souhait le plus cher.
« Ce serait comme  boucler la boucle » dit-il.